Capture d’écran 2017-10-02 à 10.57.39Il y a quelques années, j'avais reçu un e-mail d'un homme qui m'avait écoutée lors d'un passage dans je ne sais plus quelle émission et qui me disait à peu près ceci : « Bravo, je me retrouve parfaitement dans vos propos. Ma famille et mes proches m'ont rejeté parce que j'étais un « libertin ». Merci de briser les tabous, ça fait du bien ! ». Pour vous la faire courte, cet homme, père d'une famille nombreuse, avait une femme qu'il passait son temps à la cocufier. Elle avait fini par le foutre dehors. Mais au lieu de faire profil bas, cet homme se considérait comme un incompris, une victime de la morale judéo-chrétienne, et croyait que mes idées abonderaient dans son sens. En fait, il attendait de moi une forme d’absolution de sa médiocrité. Ce jour-là, j'ai compris que les revendications féministes sexe-positives pouvaient être complètement comprises de travers. Parce que choisir d'être dans une relation libre, c'est une chose. Briser la confiance de l'autre et mépriser son chagrin, c'en est une autre. C’est d’ailleurs en cela que diffèrent les polyamoureux des infidèles. Les uns font preuve de bienveillance là où les autres n’éprouvent aucune empathie.

Des mails dans le genre, de la part de bonshommes qui s'ennuient dans leur couple, j'en ai lus à la pelle. Des types qui chouinent parce qu'ils ont des « besoins » et que, bah, tout ça c'est évidemment la faute de bobonne (et pas un quart de seconde ils se demanderaient pourquoi « bobonne » évite les rapports avec eux). Sauf que, manque de bol, je ne suis vraiment pas la bonne personne à qui s'adresser dans ce genre de situation. Car ce n'est pas parce qu'on est sexe-positive et qu'on affiche une certaine liberté que c'est forcément la fête du slip.

On peut être sexe-positive et faire des choix « classiques »
On peut être sexe-positive, en couple, monogame, et très heureuse ainsi. Être sexe-positive, c'est défendre l’idée que l’on peut faire ce qu’on veut sans être stigmatisée, être polyamoureuse, non-exclusive, mais cela n'oblige absolument pas à balancer aux ordures le schéma classique du couple si jusqu'à présent celui-ci nous convient. Je sais qu'on n'arrête pas de nous répéter que « la monogamie ce n'est pas naturel », que les bonobos et les chimpanzées passent leur temps à se grimper, comme si nos choix devaient se faire en fonction de ce qui est censé être « naturel ». Depuis quand on se met à récupérer les arguments des réacs et à pester contre ce qui n’est pas naturel ?  Je sais aussi que « le mariage c'est une invention du patriarcat », que le couple tel qu'on le connait est majoritairement une invention sociale… Je sais aussi que tout cela, ce n'est pas très fun et que le couple c’est souvent la chienlit (merci, perso j’ai expérimenté). Sauf qu'il y a des tas de gens qui se sentent bien ainsi, et que, de la même manière qu'on n'a pas à juger des personnes qui font le choix -mutuellement consenti- de la non-exclusivité, on n'a pas à considérer les personnes monogames comme les dernières des has been ou pire comme « des opprimées inconscientes de se conformer aux schémas dominants » (je l'ai déjà entendu). J'ai même rencontré des personnes anciennement polyamoureuses devenues exclusives (sans être pour autant repenties) et qui étaient très heureuses de cette situation. S'il y a des personnes qui ont envie de la même chatte ou de la même bite durant 30 ans, et bien, quelque part, tant mieux pour elles. 

On peut être sexe-positive sans que ce soit open bar
Là encore il y a un énorme malentendu. On peut être sexe-positive et ne pas passer sa journée en porte-jarretelles en attendant le prochain. D’ailleurs petit rappel pour les mecs, ce n’est pas parce qu’on est sexe-positive qu’on est hétéros, d’ailleurs je crois bien que proportionnellement au reste de la population, le taux d’hétéro doit être bien bas… Ce n'est pas parce qu'on revendique une certaine liberté qu'on autorise tous les crevards à venir nous harceler. Faire ce que l'on veut de ses fesses, cela ne veut pas dire être disponible. C'est choisir, et dans l'immense majorité des cas, c'est dire « NON ». Être sexe-positive, c'est décider, et non subir. Si on veut coucher avec une personne, on lui fait savoir. Et elle est à son tour évidemment en droit de dire « non » sans que ce ne soit un drame. 

On peut être sexe-positive sans mettre de sexualité dans une relation
À partir du moment où on affiche une certaine liberté, beaucoup de gens mettent de la sexualité là où nous n'en mettons pas. Cela va de ceux qui imaginent qu'ils ont une touche juste parce qu'on leur adresse la parole, à ceux qui nous fuient parce qu'on pue tellement le soufre qu’ils pensent que prendre un café avec nous c’est déjà limite tromper leur meuf. On peut pourtant être sexe-positive et ne mettre absolument aucune sexualité dans la quasi-totalité des relations que l'on a au quotidien.

Ce n’est pas parce qu’on est pan qu’on est là pour pimenter votre couple
En général lorsqu’on revendique être pansexuelle ou bisexuelle, il y a toujours un type pour se croire dans un mauvais boulard et imaginer qu’il peut nous proposer un plan à trois avec sa partenaire. Sauf que ce que le mec ne comprend pas c’est que, d’une part, ce n’est pas parce qu’on est bisexuelle qu’on est partante pour se taper n’importe quelle meuf et, d’autre part, on n’en a généralement rien à faire d’amuser la galerie pendant qu’il se paluche. Si on baise avec une autre fille, c’est pas pour « avoir une expérience bisexuelle » et se rendre sexuellement intéressante, c’est par ce qu’on désire cette personne en particulier, point. C’est parce qu’elle nous plait, qu’elle nous émeut, qu’elle nous excite, qu’on a envie de passer du temps avec elle.

On peut être sexe-positive et avoir des hauts et des bas
Encore une fois, être sexe-positive, c'est choisir. Choisir de baiser avec frénésie, puis de s’autoriser une forme de carême, pourquoi pas. On peut à certains moments de notre vie préférer  ne pas avoir de rapports sexuels, et les raisons sont multiples : rupture douloureuse, problèmes médicaux, besoin de faire le point, envie d'attendre de rencontrer le/la partenaire adéquat(e). Être sexe-positive, c'est aussi accepter de ne pas être à bloc en permanence. On peut tout à fait avoir autre chose que le sexe dans la vie et préférer se promener en forêt, manger des chips, ou gratter les oreilles d’un chien plutôt que de se retrouver les quatre fers en l'air. Il peut même arriver qu'on « sublime » et qu'on investisse toute notre sexualité dans un objectif absolument pas sexuel (l’écriture ou la création artistique en sont de parfaits exemples). 

Dans la même idée, on peut même être sexe-positive et être asexuelle
Le féminisme pro-sexe, c'est la liberté de disposer de son corps comme on le veut, dans le cadre du respect de l'autre et de rapport consentis, c'est faire l'amour avec qui on veut, quand on veut. Mais c'est aussi la liberté de ne pas faire l'amour, qu'on se le dise ! La liberté, c'est le choix. Le féminisme, c'est aussi pouvoir baiser ou ne pas baiser, sans jamais être jugée.   

(Une première version et article a initialement été publiée sur le site Metronews à l’époque où je tenais le blog « Le ticket de Metro ». Une mésaventure récente m’a donné envie de le ressortir de mes archives. Le site Metronews n’existant plus, je vous propose de le redécouvrir ici dans une version remaniée)