Il n’y a encore pas si longtemps, la littérature érotique était une niche littéraire essentiellement produite et consommée par des vieux dégueulasses au cheveu gras et à l’œil louche. Mais le succès mondial de Fifty shades of Grey a changé la donne. Aujourd’hui, tout le monde veut lire de l’érotisme, et, plus préoccupant, tout le monde veut en écrire. Des E.L. James en herbe remplissent chaque jour avec prodigalité les boîtes aux lettres des éditeurs, avec des manuscrits au mieux médiocres, au pire dignes de figurer au palmarès des statuts les plus likés du mur Facebook de Bescherelle ta mère. Soucieux de réduire le taux de suicides chez les éditeurs, nous avons donc conçu ce petit guide, à l’usage des auteurs néophytes désireux de s’aventurer sur le terrain glissant de l’écriture érotique. 

1. Ecrivez en français
Commençons par les évidences. Dans « littérature érotique », il y a « littérature », ce qui sous-entend un minimum de qualité du strict point de vue du style. Fautes d’orthographe, de grammaire, discordance des temps, smileys et autres lol sont donc évidemment proscrits. Ne riez pas, les maisons d’édition érotiques reçoivent une quantité effarante de textes écrits dans un niveau de français dont pourrait légitimement se moquer un élève de CE1. Il faut donc être honnête : un manuscrit qui commence par « elle introduisa son sextoy dans son sexe tremper en poussant des hmmmmm de désire langue houreux. » est en général jeté à la poubelle dès la lecture de la première phrase terminée.

2. Evitez les clichés
Bien. Il est admis que vous écrivez un français à peu près correct. Mais avant de prendre la plume, assurez-vous que l’histoire que vous vous apprêtez à raconter ne l’a pas déjà été mille fois. S’agit-il de l’histoire d’une femme « délaissée par son mari » qui veut « se prouver qu’elle est encore désirable » en se laissant charmer par un « amant sensuel et fougueux » qui la fait de nouveau « se sentir femme » ? Ou peut-être de l’histoire d’un couple confronté à la « routine sexuelle » qui décide de s’essayer au libertinage pour « remettre du piment dans sa sexualité » ? A moins qu’il ne s’agisse de l’histoire d’une « fille un peu paumée » qui « tombe dans les filets » d’un « redoutable séducteur mystérieux et charismatique » qui l’initie à « l’univers secret du sadomasochisme » ? Dans les trois cas trouvez autre chose. Par pitié. Nous vous le demandons à genoux.

3. Evitez les clichés (2)
Le cliché se cache aussi dans les mots et expressions du vocabulaire érotique. Ainsi le « membre turgescent » d’un homme qui pilonne le « sexe ruisselant de désir » de sa partenaire en la menant, après le signe annonciateur des « fourmillements dans le bas ventre », à un orgasme qui « l’envahit par vagues successives » gagnent en effet à être remplacés par des formules plus imaginatives, et surtout plus personnelles. Soyez de bonne foi : quand vous demandez à votre copine de vous sucer, vous dites « suce moi » ou « enduis de salive mon membre turgescent » ?

4. Mollo sur les adverbes
Dans la liste des scories aptes à polluer un texte, la surabondance d’adverbe arrive en bonne position. Prenons un exemple : « Son sexe dressé fièrement m’excitait si terriblement que ma culotte fut abondamment trempée de cyprine puissamment parfumée ». C’est lourd, hein ? Un bon réflexe à adopter, quand un adverbe vous chatouille la plume, est de vous demander : est-il vraiment nécessaire ? Ce gland a-t-il vraiment besoin d’être outrageusement rougeoyant ? Ce téton doit-il vraiment être insolemment dardé ? Comme le dit la sagesse populaire, qui peut le plus peut le moins, et l’économie de moyens est souvent la meilleure amie du texte érotique.  

5. Evitez les phrases sans verbe
Attention : l’économie de moyens ne doit pas non plus s’appliquer aveuglément. La sobriété, d’accord, mais jusqu’à un certain point, que nous appellerons le « Point Angot ». Il désigne le seuil critique à partir duquel un texte, quelle que soit sa nature, se met à ressembler à un texte de Christine Angot. En érotisme, il est en général le fait d’une coquetterie consistant à abuser de phrases laconiques et volontairement dénuées de verbes. Exemple : « Elle. Lui. Désir irrépressible. La fièvre dans le regard. Elle. Lui. Défi. Corps à corps. Corps à cœur. Cœur à cri. » Cette phrase vous donne-t-elle envie de lâcher votre livre séance tenante pour vous tirer sur la tige ou vous toucher le bonbon ? Si oui, prenez rendez-vous chez un sexologue. Voire : chez un psy. Si non, passez au paragraphe suivant.

6. Mollo sur les métaphores
L’érotisme a beau avoir vocation à suggérer, la métaphore peut vite s’avérer pesante. Ainsi, on préfèrera toujours une queue bien dure à un « bélier têtu fièrement dressé » et une chatte non épilée à une « grotte de plaisir obturée par un épais buisson de mystère ». Une métaphore par ci par là, pourquoi pas, mais à haute dose, elles finissent par donner à vos textes des allures de mauvais trip new age, dans lesquels, si l’on n’y prend pas garde, un sexe de femme a tôt fait de se transformer en « chaudron bouillonnant de désir cosmique » et une éjaculation en  « jaillissement radieux d’énergie primale ». Laissez ce genre de délire aux raëliens et allez au plus simple.

7. Ne négligez pas l’émotion
Attention ! Clarifier votre vocabulaire est une chose, tomber dans la précision clinique en est une autre. Voici un exemple de phrase qui est allée trop loin dans la rigueur : «Après avoir décalotté sa verge, il enfila un préservatif conforme aux normes européennes, écarta les lèvres du sexe de sa partenaire et pénétra son vagin, dont il avait induit la lubrification au moyen de caresses préliminaires de type succion du lobe d’oreille, pétrissage rotatif des glandes mammaires et stimulation digitale du clitoris. Vous en conviendrez : on n’a que moyennement envie de se toucher en lisant ça. Tout est donc une question de dosage. Vous êtes auteur, pas expert comptable, il s’agit de faire passer un peu d’émotions dans ce que vous écrivez. Et si vous n’y arrivez pas, recyclez-vous dans la rédaction de notices d’appareils électroménagers : une carrière glorieuse vous attend.

8. Bannissez les mots interdits
Criez au fascisme si vous voulez, mais en matière de littérature érotique, certains mots sont interdits. Oui, interdits. Vous ne devez pas les utiliser. Jamais. En aucun cas. IN-TER-DITS. Sauf si bien sûr votre but n’est pas de créer le désir, mais le dégoût. Auquel cas faites-vous plaisir, allez-y sur la « foufoune », la « bistouquette », les « nibards » et autres « grosses doudounes », et n’oubliez surtout pas de « brouter la cramouille » et de « ramoner la boite à caca » de vos personnages. Et tant qu’à faire, rajoutez au passage quelques onomatopées, également interdites, du genre « hmmmm » ou « haaan ». Mais ne venez pas vous plaindre si vous n’avez aucun lecteur. Ni aucun ami.

9. Ponctuez sobrement
Signalons aussi l’interdiction des points de suspension, qui sous leur airs de mystère ne révèlent rien d’autre que les lacunes de l’auteur. Elle avait envie de lui… Il était si sexy… Elle sentit une chaleur l’envahir… Si vous n’êtes pas foutu de construire une phrase de plus de cinq mots, vous serez plus efficace en chattant sur Adopte un mec qu’en écrivant un roman érotique. Notez que la même loi s’applique pour les points d’exclamation : Elle avait envie de lui !!! Il était si sexy !!! Elle sentit une chaleur l’envahir !!! Ca vous excite ? Non. Et ce n’est pas en écrivant en majuscules que vous vous en sortirez mieux : ELLE AVAIT ENVIE DE LUI !!! IL ETAIT SI SEXY !!! ELLE SENTIT UNE CHALEUR L’ENVAHIR !!! ELLE AVAIT ENVIE QU’IL GLISSE SON MEMBRE TURGESCENT DANS SA CRAMOUILLE HMMMMMMM !!! » Soyez de bonne foi : ça ne marche pas, et à l’exception d’une poignée de psychopathes, personne n’a jamais été pris de désir en écoutant une chanson de Patrick Sébastien.

10. Choisissez bien votre son pseudo
Votre histoire est originale, votre style correct, votre vocabulaire bien trouvé. Bravo ! Avant d’envoyer votre texte aux éditeurs, il ne vous reste plus qu’à choisir votre pseudo d’auteur érotique. La meilleure technique est de viser le juste milieu entre le trop et le pas assez. « Adélaïde de la Vulve Fleurie », par exemple, c’est trop. « Alpha Mâle Sévère du Royaume des Mille Supplices », c’est trop aussi. A l’inverse, « Christelle Durant » ou « Jérémy Foissard », ce n’est pas assez. A vous de trouver le bon dosage.

 Nous espérons que ces conseils vous ont été utiles. La prochaine fois, nous vous expliquerons comment gérer les fans Facebook qui vous envoient des photos de leur bite.